Quincaillerie moderne
Je me traine doucement jusqu’à Beaumont sur Sarthe, où je dors dans la maison où Georges Rouault à vécu pendant la dernière guerre (un peintre acariâtre dont je ne connais qu’une œuvre, un Christ triste et barbu, étouffé de noirceur, autrefois représenté sur un timbre célèbre). Un bourg comme tant d’autres, aux rues désormais pathétiquement vides de commerces fermés, où les modistes et les « Quincailleries modernes » ont laissé la place aux dépôts-vente, avant de devenir définitivement vitrines fantômes. Un pont médiéval, la rivière Sarthe, paisible.
Puis le relief s’anime un peu, enfin, vers le piémont des « Alpes Mancelles », où j’ai plaisir à trouver un peu d’ombre en cette journée de grosse chaleur. Le vent de Nordet, par chance, apporte quelques tourbillons d’air frais, et même si ce n’est pas mon Noroît espéré, j’apprécie sa caresse. Heureusement, le bois de Pezé, puis la forêt de Sillé, permettent presque de raviver un moment mes amours sylvestres des semaines passées.
Rencontre fortuite avec un baliseur du comité des sentiers de Grande Randonnée, et son amie, un bon moment. Un coup de rouge, un sourire, on est bien. Même si je ne suis qu’épisodiquement les balises rouges et blanches, elles sont rassurantes, presqu’amicales, et tellement pratiques quand le promeneur est lassé par la boussole ! De rares panonceaux bleus et blancs « Chemins du Mont » commencent aussi à apparaître : plus que quelques jours, il est temps. De ronces retordes en orties félonnes, je tire mon équipage jusqu’à Sillé le Guillaume, où les cafés ne vibrent que de coupe du monde. Ca sent la fin. J’ai tellement rêvé de ces moments-là, quand cet hiver, dans nos montagnes, je tirais des plans sur mes comètes. Plus que quatre jours. Ouf.