EH! COMPAGNON, TU BOITES ?

Avec le long cheminement près la rivière Sioule gonflée par les eaux brunes, les tourbillons qui charrient des bois morts, les sentiers de terre noire, les pentes boisées où la flore déborde d’invention et de force, je suis comme la petite chèvre de Maître Seguin, dans un état de « ravissement général ». Mais moi, ce sont les jeunes chênes, ici, qui se baissent jusqu’à terre pour me caresser, pas les châtaigniers ! . Je suis venu chercher cela, ce précieux accord de la terre, de la lumière et de l’eau, me ravir de l’équilibre de cette musique sacrée, en suivant ce long sentier, cette partition sublime qui me guide depuis la Savoie, désormais si loin.

Une des plantes qui m’accompagnent sur ces parcours depuis des années, est la silène dioïque, ou bien nommé Compagnon rouge, et je préfère ce beau nom de révolution. C’est une des plus courantes : cette sorte de petit œillet aime les fossés, les talus humides des bords de route. Il est commun, humble, sans usages connus, mais il « paysage » l’ordinaire en admirable. Un pointillisme à la Seurat. J’avance vite, parfois trop vite. Je suis dans les Combrailles, cette région entre les Puys et le Limousin, vallonée et agricole. Quelques petits soucis mécaniques au niveau du genou vont m’obliger à faire des étapes plus courtes et à ralentir quelque peu mon train de purgatoire. Il faut dire que tous ces jours j’ai enchaîné avec entrain les distances sans compter ( je ne les mesure jamais, malgré le GPS !), tant il y a à voir et à m’imprégner. Je crois « avoir vingt ans, et rêver tout haut que le monde est beau… » Dure réalité : pour le moment, boite le botaniste ! Montaigne avait une relation très particulière à la douleur, qu’il faut selon lui apprivoiser… comme la « gravelle » qui le faisait tant souffrir. Moi, une halte à la Pharmacie de Pontaumur : -genouillère, antalgiques, bons conseils- constituera ma philosophique attitude. Et merde aux stoïciens !