L'HELLEBORE ET LES FOURMIS
L’HELLEBORE ET LES FOURMIS
Ce printemps-là, repérant une fourmilière,
Dans un bois de fayards aux écorces d’argent,
Compère hérisson, affamé par l’hiver,
Se dit que faute de limaces pour l’instant,
Quelques insectes endormis feraient l’affaire.
Etant fort en latin, il s’écrie : « Formica ! »
« Des fourmis ! ». Il plante son museau, de travers
Et gobe quelques fourmis sans se faire de tracas.
Sous le dôme de brindilles, c’est la débandade.
On ouvre un œil, on court, on s’affole, on s’effraie.
On cherche à déguerpir, vite c’est la bousculade,
L’Exode impératif, la vitale échappée !
Quittant leur monticule, les fuyardes parviennent
En trottinant jusqu’aux pattes d’un hellébore :
«- Monsieur le Pied de lion, nous sommes en grande peine !
Donnez-nous le salut, vous l’herbe à Pythagore !
Et de l’affreux poison contenu dans vos graines,
A la bête infernale, faites donc donation ! »
« -Pour avoir mon secours, il faut payer, mesdames ! »
Répond le végétal à leur supplication.
« - Je peux l’intoxiquer, mais à la condition
Que dans les alentours vous portiez mes semences :
Ce sera là le prix de ma protection.
Vous serez mes servantes : allez hop ! On commence !
C’est depuis ce jour qu’a lieu ce phénomène
Que les gens de science nomment « myrmécochorie ».
Il est bien dommage que Monsieur de la Fontaine,
Qui parlait si bien des cigales et des fourmis,
Et conseillait l’hellébore à Dame Tortue,
N’ait parlé que modérément du hérisson,
Cet animal étrange dont on sait les vertus.
Ca y est, c’est fait, maintenant finie la leçon !
L’Hellébore ou Ellebore foetide, Helleborus foetidus L.
Au col du Granier (73), le 3 février 2021
© Yves YGER , février 2021
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