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LA JOUBARBE ET L'ARROSOIR



Il faut du temps pour devenir jardinier

Et se croire qualifié en agriculture.

Moi qui suis dilettante, Vertumne m’a fait comprendre

Qu’il fallait abandonner ma désinvolture,

Qu’il y avait des règles, des canons à apprendre,

Et que même si l’on se prétend libertaire,

On ne peut pas toujours tricher avec la terre.


Une joubarbe redoutait un arrosoir.

Si vous doutez de la vérité de l’histoire,

C’est que vous ignorez tout des crassulacées :

Ces herbes-là n’aiment pas être inondées.


Or j’étais béotien, et je croyais bien faire.

Dans ma rocaille, en épuisant ma chantepleure

Comme un benêt, j’arrosais tout, au contraire

Des préceptes sacrés. Ils vont bien, les railleurs !


Or un soir de biture, j’avais perdu mémoire.

Gare ! J’étais bien naïf ! Quand c’est écrit « Planteur »

Sur le flacon, il n’y a rien d’obligatoire,

Rien de réservé aux jardiniers amateurs !


Dans le brouillard, j’avais égaré l’arrosoir !

Était-ce sous la brouette, ou dans une dépendance ?

Aux Dieux des plates-bandes, je demande indulgence !

Je furetais partout, mais c’était sans espoir.


Quelques années plus tard, les herbes avaient poussé,

Et repris possession de mon jardin de pierre.

C’est en soulevant une gerbe de graminées,

Qu’un étrange spectacle j’ai alors découvert.



Elle avait tout envahi, l’Herbe à Jupiter,

S’était immiscée en douce dans le récipient,

Comme un bernard-l’hermite se fait propriétaire.

Ils ne manquent pas de toupet, ces sempervirents !


Ainsi va la vie, et je ne sais pas grand-chose,

Sauf que le ratafia peut être un grand danger

Surtout si on dépasse de beaucoup la dose.

Une joubarbe, un printemps, me l’a rappelé.


La joubarbe Sempervivum L.

A la station du Granier, ENTREMONT LE VIEUX (73) le 10 février 2021

© Yves YGER, février 2021 site : www.lechemineaudesherbes.com






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