LE HETRE QUI VOULAIT VOIR LA MER
LE HETRE QUI VOULAIT VOIR LA MER
Soyons sages : tout vient à point pour qui sait attendre,
C’est l’enseignement des arbres aux hommes pressés :
Ils veulent tout, tout de suite, c’est à n’y rien comprendre !
L’avenir est à ceux qui savent musarder.
Sur une haute montagne, dans un village heureux ;
Un écolier amoureux de la géographie
Etudiait ses leçons sous un hêtre très vieux.
C’est à l’ombre des feuilles que l’esprit se construit !
Un jour qu’il apprenait par cœur le nom des océans,
Des ports, des caps, des iles, et des péninsules,
Il ne comprit pas que les branches, se rapprochant,
Cherchaient discrètement à lire son fascicule.
Le lendemain, Messieurs, vous ne me croirez pas,
Ce fut comme un grand choc, Le fayard déclara
Qu’il voulait voir la mer, qu’il était singulier,
Que les arbres meurent sans savoir les marées !
Avec ses racines, il trouva une ammonite,
Un coquillage ancien caché dedans la terre,
Fossile des temps d’avant l’ère tertiaire.
La piste semblait bonne mais avait ses limites
S’en vint un photographe, un ami de Darwin,
Un spécialiste éclairé des arbres remarquables.
Lequel lui assura que les pins maritimes
Seuls savaient affronter les tempêtes incroyables.
Il interrogea le vent, il questionna le ciel,
Mais à chaque fois, désillusion immense !
Pour un enraciné, c’est la désespérance :
Il ne sentirait pas l’odeur des archipels
Et puis le temps passa, l’arbre devint morose.
Oubliés les enfants et le bruit de l’école,
Les cartes de géo et la leçon de choses.
Ses branches rabougrissent et son tronc se nécrose.
Mais un matin, alors qu’il s’en allait mourir,
Il sentit une vague s’endormir à son pied,
Un brouillard où semblaient voguer des navires.
La mer -mais de nuages- venait le caresser.
le Hêtre, Fagus sp
au sommet de la Cochette, à ENTREMONT LE VIEUX (73) le 13 février 2021
(c) Yves YGER, février 2021,
Photo de la mer de nuages: Claire GOTIE
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