LE SUREAU ET LE SAULE TORTUEUX
Rien ne sert d’éblouir, il faut savoir gagner.
Cette leçon, je l’ai apprise
Un matin de grand froid, au fond de ma vallée.
Souffrez donc que je vous la dise.
Deux arbustes vivaient au plus près d’un cours d’eau.
Sur une rive, c’était un saule,
Et de l’autre bord avait poussé un sureau.
Mais ce qui était vraiment drôle,
C’est qu’ils n’avaient de cesse de se vilipender
Sans jamais pouvoir traverser.
On ne bouge pas quand on a les pieds plantés !
La vraie raison de leurs démêlés,
C’est qu’ils étaient tous deux amoureux du ruisseau.
Le cœur a souvent ses raisons,
Chez les hommes aussi bien que chez les végétaux.
Rien n’est prouvé, mais supposons !
- « Regarde, disait le saule à la petite rivière
Quand j’aurai des feuilles, imagine !
Je serai riche : je suis un arbre Apothicaire
Je vais fabriquer l’aspirine ! »
- « De ce saule tordu, ne crois pas les délires »
Conteste aussitôt le sureau,
- « Bientôt, par toi, le printemps me fera fleurir
Tu es ma fontaine, mon cadeau !
A l’automne, je ferai des grappes de fruits noirs.
Mêlant ton eau, tous deux ensembles,
Nous remplirons de confitures les armoires
Je te dis ça, c’est un exemple. »
Le ruisseau hésite un moment, puis ils se dit :
- « Ces deux-là ne me plaisent guère
Ce sont des barbons, des arbres de comédie.
Moi Je veux rire, après l’hiver !
Je veux courir, sauter au-dessus des rochers,
Caracoler en insouciance,
M’amuser, oser des rencontres. Alors aimer
Un de ces deux-là, quelle romance ! »
Plus bas, délaissant les deux arbres atrabilaires,
Le courant vit un cornouiller
Qui lui faisait de l’œil, vraiment d’une manière
Qui ne lui fit pas hésiter.
C’est pourquoi bientôt j’espère
A l’aval des deux pépés,
Il y aura plein de cornouillers.
Le Saule tortueux Salix matsudana K.
Le Sureau noir Sambucus Nigra L.
Le Cornouiller sanguin Cornus sanguinea L.
Dans mon jardin, station du Granier à Entremont le Vieux, le 8 février 2021
© Yves YGER Février 2021
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