LES AULNES DU BEDEAU
Le bedeau de la chapelle
Avait planté quatre jeunes vernes.
C'est ainsi que l'on appelle
Les aulnes, dans la langue ancienne.
Au bout de cent cinquante années,
C'était le bonheur des mariés
D'aller se faire photographier
Devant le bosquet du curé.
Mais un jour quatre bûcherons,
Des malfrats, de vrais sauvages,
Envisagèrent le cubage
Qu'ils pourraient faire des grands troncs.
Le premier dit : « - Moi, j'imagine !
Pour un charpentier de marine,
Je vais débiter les bardeaux :
Il me fera un beau bateau ! »
- « Le bois de verne est vraiment bon
Pour construire les arches des ponts, »
Dit le deuxième, en qualité
De vendeur aux Ponts et Chaussées.
- « J'ai un ami, il est luthier »
Dit le troisième, un rien vantard,
« Avec les planches bientôt coupées
Il fabriquera des guitares. »
- « Je connais bien un ébéniste »
Dit le dernier, « c’est un artiste :
Il va réaliser un trône
Pour la cour du roi des Aulnes »
Sortant leurs casques, les coins, les haches,
Leur mauvais coup, ils préparèrent,
Se frisant déjà les moustaches
De leurs prochaines bonnes affaires.
Au premier choc de la cognée,
On entendit un couinement :
Cela venait visiblement
D’une carriole mal graissée.
A ce moment ils ont compris
D’où venait cet étrange bruit :
De la charrette de l’Ankou,
C’est la Bretagne, que voulez-vous !
Madame la Mort sur le plateau,
Sur la banquette le bedeau,
Cet équipage un peu fantôme
Portaient mainforte à nos vieux aulnes.
Abandonnant leur matériel,
Si les bûcherons détalèrent,
C’est que pour un vol si véniel,
Ils risquaient de payer fort cher !
Pour avoir été mécréants,
Ils ont couru, ils courent encore.
Quant à nos aulnes si charmants,
Ils jouent toujours dans le quatuor.
L’aulne, Alnus sp. A La Chapelle Saint Nicodème, Servel, à LANNION (22300), le 18 mars 2021
© Texte et photos : Yves YGER, mars 2021
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