LES ORMES D'ERNESTINE
Mademoiselle Ernestine
Vivait seule dans le village,
Abonnée au magazine
« Les amis du jardinage ».
On disait dans sa jeunesse :
Cœur sans amour, jardin sans fleur :
Mais c'est que Cupidon laisse
Parfois passer l’ascenseur !
Elle commanda certaines graines
A une maison de renommée,
Et au bout de deux semaines,
Elle reçut par le courrier,
Entouré de papier marron,
Un petit paquet à son nom
Qu’elle déballa avec grand soin :
Le sachet de graines d’orme,
Une bonne douzaine au moins.
C’est parfait tout est conforme.
Puis dans une jardinière,
Qu’elle a rempli de terreau,
-Un peu d’engrais un peu d’eau-,
Au fond de petits cratères.
Elle déposa les semences,
Peu profond c’est l’expérience !
Le lendemain on s’inquiéta
De ses volets toujours fermés,
Et de ne pas voir son chat.
Les voisins furent ennuyés,
Alors on enfonça la porte.
Et on trouva la demoiselle,
Dans sa chambre, elle était morte.
Il n’y a rien d’exceptionnel
A mourir à nonante ans.
Comme elle était sans parentèle,
Tout fut vendu à l’encan.
Mais son voisin, monsieur Marcel
Récupéra son matériel :
L’arrosoir et le râteau,
Le Guide Clause et les ciseaux,
La jardinière étiquetée,
Et le paquet de terreau.
Au bord de la propriété,
Il repiqua deux végétaux.
Je suis passé tout à l’heure
Devant le jardin de Marcel
Où habite un ingénieur,
Qui ignore, c’est naturel,
L’origine des deux ormes :
Presque cent ans sont passés !
J’ai entendu -c’est énorme !-
On le dit, c’est une rumeur,
Que lorsque c’est l’heure du facteur
On entendrait une voix
Sortant du tronc de l’ulmacée :
« Y-a-t-il un paquet pour moi ? »
Ernestine s’est réveillée.
L’Orme du Japon, Zelkova serrata, sur l’Ile Callot, à CARANTEC (29)
© Texte et photos Yves YGER
Toute utilisation à but commercial interdite
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