Poser son sac
Dernière étape de mon voyage minuscule. Encore quelques pas, encore quelques fleurs de violettes et de primevères, et tout à l’heure j’aurai retrouvé ma terrasse. Dans l'étroite plate-bande que l'on prétend potagère, émergent timidement de terre, outre l’oseille, quelques aromatiques, solidaires voisins de confinement : ciboule et ciboulette. Ciboulette. Les vrais jardins sont ceux qu’on imagine, qu’on emmène avec soi dans son ciboulot, sa musette à rêves.
En quelques jours, j’ai parcouru pas loin de cent cinquante mètres, cheminé au rythme moyen de trois minutes par jour, fait des haltes dans des sites microscopiques et remarquables, découvert avec un regard nouveau l’espace dont j’ai la chance d’assurer quelque temps la garde. Après la remontée périlleuse du cours du torrent, désormais totalement asséché, j’ai traversé la pelouse, puis viré plein ouest jusqu’aux lauriers des bois, sur lesquels je ne me suis pas reposé, -ah, tiens, ils sont en fleurs !-, et rejoint enfin, après la station des cyclamens aux feuilles marquetées, la haie de cornouillers et d’épine-noires qui marque la limite de l’« hortus ». Arrivé à son extrémité, j’ai croisé une pelle-pioche oubliée là depuis longtemps. Mon chien, Gary, était immobile au milieu de l'herbe, une mésange attendait d’entrer dans le nichoir. Tout était bien en place. Alors, lentement, sans me retourner, j’ai descendu la pente jusqu’à la maison. L’an dernier je courais, comme Pétrarque, en riant, sautant de pierre en pierre depuis le sommet du Mont Ventoux, où j’étais venu aider le soleil à se lever. Les temps changent. Il faudra demain classer toutes mes notes, mes clichés, mes rêveries, autour de ce singulier parcours… et ranger mon garage. à la station du Granier, Entremont-le-Vieux, le 25 mars 2020. Post-scriptum : je reçois à l’instant, de mon amie Françoise Arbet, phyllophile distinguée, une demande de rectification concernant ma rédaction d’hier, à savoir l’hypothèse de la propulsion de Mémé dans les orties. En fait, selon cet auteur, qui semble avoir l’expérience de la menace gérontologique, mon propos serait incomplet, la véritable version étant : «
pas pousser Mémé dans les orties, surtout si elle est en short ». Dont acte. Je ne m’aventurerai pas sur ce terrain-là, lui laissant la responsabilité de son extravagant énoncé.
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